De Tokyo à Los Angeles, elle a su convaincre son public avec des morceaux tout droit sortis de l’espace. De la rencontre d’une voie douce et du hip-hop est née Jhené Aiko, chanteuse aux inspirations urbaines et aux origines diverses. Prenez quelques minutes pour en apprendre plus sur une artiste qui vous fait découvrir une autre facette de la musique. Sa musique.

Le commencement

Cosmopolite. Ce mot résume bien Jhené Aiko Efuru Chilombo, née le 16 mars 1988 à Los Angeles, et fruit de l’union de Christina Yamamoto et Karamo Chilombo. Au delà de ses origines Japonaises et Cherokee, l’Américaine descend d’une famille afro-américaine, espagnole, et même juive allemande. Pas simple donc de dire d’où vient cette jeune fille, qui a vécu une enfance relativement normale dans la classe moyenne californienne, avec ses deux grandes soeurs Miyoko et Jamila, et son frère Miyagi.

Présents depuis toujours dans sa famille, le chant et la musique vont cependant permettre à Jhené de sortir d’un monde parfois trop réaliste pour une enfant aussi créative qu’elle. À l’âge de 12 ans, elle signe avec le label Epic Records (l’ancien label de Michael Jackson, quand même), et commence à apporter sa contribution vocale aux morceaux de B2K, le « boys band » d’Omarion. En gros, elle était choriste pour un groupe de R’n’B.

C’est à ce moment qu’elle commence à développer son univers musical. Elle compose quelques morceaux et tente de convaincre son label de la produire, en vain. Oui oui, les mêmes personnes qui avaient produit Michael Jackson mettent un gros vent à Jhené Aiko. Elles ont dû prendre un sacré coup de vieux.

La jeune artiste est alors âgée de 15 ans, et décide donc de quitter le rêve Hollywoodien et de retrouver sa réalité en reprenant ses études.

Après avoir enchainé quelques petits boulots, notamment dans le cabinet juridique de son oncle ou dans un centre commercial, elle décide en 2007 de revenir à la musique. Sa vie est alors rythmée par les compositions et sa relation avec le petit frère d’Omarion, O’Ryan. Elle n’a que 20 ans lorsque leur fille naît, sous le prénom de Namiko. Pour la petite anecdote, ce prénom d’origine Japonaise signifie « l’enfant des vagues », et fait écho à toute une philosophie sur la vie et la mort, le commencement et la fin, le destin. Comme si les histoires de famille n’étaient déjà pas assez compliquées chez les Chilombo…

Son retour dans l’industrie de la musique se fait cependant à ses conditions. Ne voulant plus être « l’’esclave de personne », selon ses propos, elle refusa de vendre à nouveau son âme au diable et développa sa première mixtape avec une totale liberté de création. C’est en 2011 que sort cette première production intitulée Sailing Soul(s), qui est inspirée par les quatre dernières années de Jhené Aiko et la naissance de sa fille (et un petit peu par le cannabis aussi, juste un peu).

La philosophie de la mixtape est illustrée par le morceau Sailing NOT Selling, en featuring avec Kanye West. On y retrouve également des chansons plus personnelles, comme Space Jam, qui parle de la maladie de son frère Miyagi.

En 2012, à 26 ans seulement, Miyagi succomba du cancer dont il était atteint depuis un an. Ce fût un événement difficile à vivre pour Jhené, elle qui est très proche de sa famille. La musique et le tatouage ont été deux manières de rendre hommage à son frère. Cela est illustré par le morceau For my Brother, et par le soleil levant (qui est l’actuel pavillon naval japonais) qu’elle arbore sur son épaule.

Cette année là sera décidément particulière pour elle, puisque c’est à cette époque qu’elle fait la connaissance du producteur No I.D, qui la fait signer chez son label Def Jam. Mais oui, vous savez, le label de Ludacris, Rick Ross, August Alsina, Big Sean, Logic, enfin que du beau monde quoi. Elle sortira un an plus tard son premier EP, Sail Out. Et au passage, elle s’est récemment mariée avec le producteur, No I.D, donc on peut tous aller se recoucher…

La réalisation de cet opus sera l’occasion pour elle de faire une rencontre marquante avec Childish Gambino. Les deux artistes se comprennent dans leur art et deviennent très bon amis. Une amitié scellée dans un morceau commun, Bed Peace, dont la couverture rappellera quelques souvenirs aux fans de pop-rock britannique.

Une année supplémentaire lui sera nécessaire pour sortir son premier véritable album, Souled Out, sept ans après être revenue à la musique. Jhené Aiko a pris son temps, mais ça en valait (vraiment) la peine.

Dernièrement, vous avez peut-être entendu Jhené Aiko dans le film Creed : L’Héritage de Rocky Balboa. Elle interprète aux côtés de son ami Childish Gambino et Vince Staples le générique du film, Waiting For My Moment.

En mars 2016, elle annonce la sortie d’un nouvel EP, Twenty88, pour le mois suivant. En collaboration avec Big Sean, ce projet artistique raconte les hauts et les bas d’une relation de couple.

La musique de Jhené Aiko

Le style Jhené Aiko est un petit peu difficile à définir. En fait, je sais pas vraiment à quel genre musical l’attribuer. Soit je suis un peu con, soit on ne peut tout simplement pas la classifier.

Après la remise en question de l’efficacité de mon cerveau, et surtout quelques recherches, je me suis rendu compte que je n’étais pas le seul dans cette même galère. Tantôt hip-hop, tantôt soul, rap par ici, pop par là, je crois que finalement, je ne suis pas si bête. Ou alors on est nombreux à être bêtes, ça dépend du point de vue.

Dooooooooonc, malgré le fait que cela soit très réducteur, on pourrait définir la musique de la jeune californienne de mélange entre hip-hop et néo-soul. Un style marqué par deux particularités majeures qui en font une artiste unique : sa voix et ses instru (#branleur).

Il faut l’avouer, la marque de fabrique de l’artiste Américano-Japonaise, c’est bien sa voix. Elle est douce, planante, harmonieuse, juste, mélodieuse, bref je pourrais trouver de nombreux adjectifs pouvant qualifier le talent inné de cette artiste. Mais ce qui est frappant, c’est qu’elle est capable de mêler des moments de douceur avec une voix apaisante, et être dans le même temps d’une extrême violence dans ses lyrics (#americanway).

Et pour contraster avec une telle douceur vocale, Jhené Aiko accompagne sa voix par une instru largement influencée par le rap, voire le rap cloud. Si on y fait attention, ce n’est pas sans rappeler le style musical de notre ami Drake (eh oui, vu que tout le monde s’est rué sur le nouvel album du Canadien, vous savez de quoi je parle, malin).

Mais là encore ce n’est pas aussi simple. Pour moi, ses deux productions majeures (que je vous ai introduies dans la première partie) ne reflètent pas tout à fait le même univers.

Tout d’abord, nous avons l’EP Sail Out, dans lequel on découvre cette fameuse voix, à l’aise dans un registre hip-hop très classique, en témoigne les nombreuses collaborations avec Childish Gambino (Bed Peace, still), Vince Staples (The Vapors), ou encore Ab-Soul (WTH).

Coup marketing ou réelle envie de partager ses morceaux avec ses amis et les artistes avec qui elle a percé, le résultat est topissime. Ajoutez à ça l’un des meilleurs morceaux de hip-hop féminin (The Worst), un nouvel hommage à son frère Miyagi (3:16 AM) et une ébauche de ses talents en freestyle (Comfort Inn Ending), et vous obtenez un concentré de toute la créativité de Jhené Aiko.

Plus récemment, Souled Out se situe dans un registre plus soul ou néo-soul. Common et Cocaine 80s sont des invités de marque et des exceptions dans un album réalisé en quasi-totalité en solo. Un risque pour un album sophomore (le second quoi), qui s’avère payant tant cet opus est un plaisir auditif.

On y retrouve encore une fois un clin d’oeil touchant à son frère dans la chanson Promises, à laquelle participe sa fille Namiko.

Alors les fermés d’esprits ces albums ne sont pas pour vous. Elle propose une vraie remise en question des musiques qu’on a l’habitude d’écouter, et ça peut déplaire à certains.

Parce que oui, son univers ne parlera peut-être pas à tous. D’un côté, Sail Out est fait pour les amateurs de hip-hop alternatif, alors que Souled Out est composé d’une soul pleine de subtilités et de poésie. Mais qu’on aime ou pas, on ne peut nier le talent de la chanteuse/compositrice. Avec un style très personnel, Jhené Aiko révolutionne à sa façon le rap US. À l’instar de Kendrick Lamar ou Ab-Soul, elle est devenue la figure publique d’un mouvement artistique alternatif en se retrouvant plusieurs fois nominée pour les récompenses musicales nationales. Elle apporte ainsi un peu de lumière sur des artistes aux talents incontestables mais encore dans l’ombre de l’industrie musicale, comme Childish Gambino, Kevin Gates, Flatbush Zombies ou JMSN.

L’instant « j’ouvre mon petit coeur »

Vous commencez à en avoir l’habitude, je vous présente dans cette rubrique le morceau que je préfère de l’artiste en question. Et comme à chaque fois, je vous dit que le choix était difficile, bla bla bla, et que j’ai hésité entre deux chansons, bla bla bla. Et bien je vais vous dire un truc les copains, c’est que c’est vrai. Mais aujourd’hui, c’est un poil plus facile.

Au moment où j’écris cet article, il est précisément 20h42. Je suis dans un bus depuis 8h30 du matin, et nous roulons actuellement au milieu de la campagne aux alentours de Nancy. Donc autant vous dire que c’est le trou du cul du monde, et que ça m’a pas aidé pour choisir.

Mais ! J’ai fait un choix (personne ne l’avait deviné). C’est un titre disponible dans l’album Sail Out, en featuring avec le génial Kendrick Lamar. Écoutez plutôt :

Ce titre est fantastique, mais aussi vraiment chelou. Déjà, il se compose en deux parties. On retrouve la chanson Stay Ready avec un couplet fraichement posé par mister Kendrick, et dans un second temps, Jhené Aiko nous lâche un (putain) de freestyle sur What a Life.

Deux chansons, deux ambiances, deux univers présentés sur un seul titre, c’est la jouissance auditive.

On a ici un exemple de la polyvalence et du talent de Jhené Aiko. Le hip-hop, le rap et la soul forment un ensemble homogène dans un morceau franchement inattendu.

Vous vous en doutez, les albums de cette artiste tournent en boucle sur mon iPod. Jhené Aiko compose un hip-hop alternatif qui vous offre des moments un peu hors du temps, comme si vous étiez dans une bulle dans laquelle les sensations sont décuplées. La tête en apesanteur, vous êtes entraînés dans son monde, à la fois si personnel et si sincère.

À la manière d’un G-Eazy, Jhené Aiko aborde des sujets qui nous touchent. Les multiples hommages qu’elle rend à son frère nous amènent à partager ce sentiment avec elle. Et ça rend sa musique d’autant plus incroyable, parce qu’on dépasse le simple aspect technique.

Pour contraster avec cette fragilité apparente, elle n’oublie pas de montrer tout son caractère dans certains couplets aux ascendances rap marquées.

Jhené Aiko n’est pas une inconnue, mais je pense que connaitre un peu plus l’artiste nous permet de mieux apprécier son art. C’est la vocation de cet article, et de tous les autres.

Sur ce, je vous fais des poutous, on se retrouve vite !

La photo à la une est tirée de © hypeplayground.

Vous pouvez nous rejoindre sur Facebook et Instagram, histoire de nous encourager kwa.