G-EAZY, l’art noir

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L’heure est grave. Un tremblement de terre est survenu dans l’industrie du rap US. J’avais prévu d’écrire sur G-Eazy bien plus tard, mais les circonstances font que je réalise cet article dans l’urgence. En effet, ces dernières semaines, il s’est passé quelque chose qui pourrait tout changer.
Si vous ne connaissez pas son nom, vous l’avez sûrement déjà entendu. G-Eazy, c’est ça :

Depuis quelques jours, la radio s’est emparée de l’authentique rappeur. Dieu seul sait ce qu’il vont nous en faire, mais on sait déjà que ça sera de la merde. Dans le meilleur des cas, Skyrock se fera un malin plaisir à nous pilonner les oreilles à coup de remix pourries de Me, Myself & I. Au pire, Cauet fera une chronique entière dessus. Dans tous les cas, ça va me saouler.

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Waouh, ça donne envie.

Alors, avant que la population boutonneuse ne se vante de tout savoir sur G-Eazy, que les chaînes ne le décrivent comme la nouvelle star montante du rap US et que nos chères radios commerciales n’annoncent la sortie d’un tube tous les mois en parlant d’un morceau disponible dans l’album depuis 2 ans, remettons les choses dans leur contexte.
Je vais vous raconter une histoire, celle du gosse des rues d’Oakland devenu artiste. Parce que vous le valez bien.

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Gerald E. Gillum, CA.

Le commencement

Quitte à commencer, faisons le par le début : il y a 26 ans naissait Gerald Earl Gillum, aka G-Eazy, en Californie.
Au départ, une famille de 5, un papa, une maman, et 3 frères. Rapidement, la séparation de ses parents créa une brèche dans l’équilibre de Gerald et de ses frangins, James et Noah.

Les déménagements, les changements d’école, ou l’homosexualité de sa mère un peu difficile à accepter sont autant d’événements qui auraient pu ébranler les fondations du jeune garçon. Mais Young Gerald est intelligent, et a la tête solide.
Avec le temps, il acceptera la compagne de sa mère, et un équilibre sera retrouvé.

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Mais le sort semble s’acharner sur le bonheur de la famille, puisqu’il retrouve un jour sa nouvelle maman sans vie en rentrant chez lui. Cette fois, c’était la drogue qui avait eu raison de cet équilibre, comme si il représentait un idéal qui le fuyait jours après jours.

Et si Gerald est resté fort toutes ces années, on peut supposer que la musique et l’art en général l’ont aidé à construire des fondations solides, capables de résister au manque de ce fameux équilibre familial.
Ainsi s’est développé chez lui cet amour pour l’écriture et la composition, jusqu’à vouloir en faire son métier. Il s’inscrit donc à la Loyola University de la Nouvelle-Orléans, reconnue pour son programme sur l’industrie de la musique.
Il aspire à devenir producteur, mais continue d’écrire et de produire des morceaux dans sa chambre d’étudiant. Et là, ça commence à devenir vraiment cool.

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N.B : il fût dans la même université que ce monsieur. C’est le mec qui réalise les voix américaines de Burns, Skinner, Flanders et bien d’autres dans les Simpsons. Voilà voilà.

Le garçon est sacrément talentueux, ses mixtapes composées sous la couette créent de véritables buzz. Il commence à se faire connaître, progresse aux côtés de la jeune scène locale du hip-hop, jusqu’à rejoindre le groupe The Bay Boyz avec qui il connait ses premiers succès sur Myspace.

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Et mis à part pour les débuts de G-Eazy, la plateforme ne nous manque pas vraiment.

Lorsqu’il saisit l’opportunité de monter sur scène avec des cadors du Rap US tels que Drake ou Lil Wayne, sa légitimité n’est alors déjà plus à prouver. La confirmation arrive en 2011 avec celle qui sera sa dernière mixtape, The Endless Summer, qui l’impose aux yeux des amateurs de hip-hop.
G-Eazy est dès lors un artiste à part entière, reconnu pour son travail.

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The Endless Summer.

Ok, pouce, temps mort. Je ne voudrais pas passer pour le lourd de service, celui qui critique tout, tout le temps, et qui n’est jamais content. Mais à ce moment là de l’histoire, on est en 2011, sa mixtape fait plusieurs millions de vues sur Youtube et tous les amateurs de musique aux États-Unis savent qui est G-Eazy.
Alors, à moins que la fibre optique mette 5 ans à transmettre les infos de l’autre côté de l’Atlantique, nous pouvons dire que les radios françaises ont un léger retard. Très léger hein.

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« Hit Music Only » ? Moui, tout à fait moui.

Voilà, j’ai lâché mon petit caca nerveux, nous pouvons donc poursuivre cette captivante histoire.
Au fond, G-Eazy ne fait que ce qu’il aime, et ça se sent. Une tournée américaine sur le America’s Most Wanted Tour aux côtés de Lil Wayne, une apparition sur le Vans Warped Tour, et l’artiste fait plaisir à tous les Américains qui ont la chance de le voir en live.
Il profite de l’une de ses scènes pour dévoiler les premiers morceaux de son album These Things Happen. Ce dernier est sorti en 2014, et a rencontré un succès mérité auprès des auditeurs et des professionnels de la musique.

Et rebelote l’année suivante, il part sur son From the Bay to the Universe Tour pour partager son art avec le plus grand nombre. Les différentes dates de la tournée afficheront complet, ça se passe de commentaires.

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These Things Happen.

Après un petit aparté dans la mode, vient l’heure de la confirmation ; celle du second album.
Après avoir flirté avec les sommets des classements rap et hip-hop américains, When It’s Dark Out se pointe pour Noël 2015, avec un univers plus marqué mais toujours des compositions fidèles aux valeurs de l’artiste. Même pas peur.

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When It’s Dark Out

La musique de G-Eazy

Ce blog ne se prétend pas spécialiste de la structure musicale, mais nous allons essayer de vous transmettre ce que nous ressentons en écoutant les morceaux des artistes qui font l’objet de nos articles. Le but est que vous ayez une idée de l’univers de ces compositeurs avant de vous plonger dans leurs albums, et que vous développiez un sens critique à propos de leur musique.

Le morceau présenté en introduction, Me Myself & I, est un peu le « tube » de son dernier album, When It’s Dark OutMais ce titre est aussi un bon aperçu du style de G-Eazy.
On retrouve un beat très marqué mais loin d’être traditionnel, parfois même un peu déstructuré. Son flow est assez singulier, relativement monotone, et difficilement comparable à l’un de ses nombreux collègues d’outre-Atlantique.

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© Musik Please

Il y a quand même quelque chose de frappant lorsqu’on écoute G-Eazy. Le travail de ses instru est assez incroyable, et ses mélodies occupent une place prépondérante. On est surpris par tant de créativité, dans un album doté d’une thématique très forte.
À l’inverse de certains artistes qui sur-utilisent une rythmique redondante qui te frappe le système au fil des morceaux, Gerald s’efforce de les diversifier tout en y incorporant son style si particulier.

Ça paraît con dit comme ça, et on pourrait aussi se dire que c’est bien le minimum. Mais si on y réfléchit un peu, il est de plus en plus difficile de trouver des albums qui ne soient pas aussi fades qu’un plat de pâtes trop cuit et sans beurre. 

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Je ne vise personne.

Soyons réalistes, c’est dû pour certains à un manque d’inspiration. D’autres artistes utilisent cependant cette technique pour développer une sorte de fil conducteur dans l’album.
On retrouve donc ce fil rouge dans l’utilisation d’un instrument, dans une rythmique redondante ou encore dans la récurrence des textes. C’est une notion importante, car elle guide l’auditeur dans sa compréhension mais illustre aussi le processus de création de l’artiste.
G-Eazy a fait un autre choix, et on ne retrouve pas de réel fil conducteur dans ce second album. Du moins, aucun qui ne soit pertinent. Le lien entre les différents morceaux pourrait se trouver dans leurs inspirations.

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Je m’explique. Pour cet album, G-Eazy s’est visiblement inspiré de l’univers des films d’horreurs.
Vue l’ambiance générale de cet opus, il a choisit de nous proposer un tableau un peu froid et hostile. On retrouve cette thématique dans son attitude générale un peu distante voire hautaine, dans ses sonorités dignes du côté obscur de la force, ou même dans le simple titre de l’album. Et l’intro de l’album laisse peu de place au doute.

Mais Young Gerald profite aussi de cet album pour confesser ses peurs et parler de certains souvenirs qui le hantent.
La chanson Everything Will Be OK raconte la période qui a vu son équilibre être ébranlé une seconde fois par le décès de sa belle-mère. Le genre de choses qu’il a choisit d’exprimer en musique, parce que son parcours n’inspire pas que les autres. Selon ses dires, c’est la chanson la plus personnelle qu’il n’ait jamais écrite.

On retrouve également des morceaux aux sonorités bien plus optimistes.
On aime tous ce genre de chansons, celles qui nous offrent de l’espoir et qui nous redonnent le sourire après un moment un peu difficile. Genre le saké offert à la fin d’un repas dans un resto asiatique à volonté. L’album se clôture par ce morceau, le préféré de G-Eazy lui-même.

Pour tout vous dire, Nothing to Me pesait dans la balance pour figurer dans la partie suivante. Non pas qu’il me plaisait d’avoir le même avis que Gerald, mais le piano a toujours eu un effet particulier sur moi, d’autant plus quand on pose un couplet de hip-hop par dessus.
Une simple mélodie au piano, la voix charismatique de Keisha Cole pour le refrain, un troisième couplet dicté par le versatile E-40, et G-Eazy nous partage un morceau déjà réussi. Son flow sur les 2 deux premiers couplets sont bonus.

On a là trois vidéos qui illustrent bien l’organisation de cet opus. Trois catégories qui forment un ensemble cohérent et homogène, et qui surtout raconte une histoire.
Finalement, on pourrait voir cet album comme un bon film dramatique. On a un élément perturbateur qui fait basculer un équilibre, une descente aux enfers comme récit, et une lueur d’espoir en guise de happy end.

Enfin, cet album est l’occasion pour G-Eazy d’inviter quelques têtes d’affiches comme Chris Brown ou Big Sean à partager le micro, ce qu’il avait peu fait jusqu’à présent. Il met aussi en lumière quelques artistes prometteurs comme Kehlani ou la douce voix de Quiñ.

L’instant « j’ouvre mon petit coeur »

Cette rubrique me permet de partager avec vous mon morceau préféré, et ce même si vous n’en avez rien à faire.
Et j’avoue que, pour un premier article, je me suis bien cassé la tête pour choisir. C’est finalement bon signe, je me dis que c’est parce que je trouve que le travail du rappeur est globalement de qualité. Et je pense que vous serez du même avis que moi.

Il se trouve que la qualité des instru de G-Eazy n’est pas seulement visible sur son deuxième album. Le tout premier opus, These Things Happen, est aussi composé de quelques perles, notamment le morceau que je vous propose aujourd’hui.
Ici, la composition fait tout. Elle impose l’ambiance de la chanson, et capte notre attention dès le début. C’est terrible, c’est Tumblr Girls.

Note de Julien : En plus de trouver la chanson géniale, je pense que le clip est très intelligent et critique envers la génération instagram.

Réalisée en collaboration avec Christoph Andersson, l’instru nous transporte un peu hors du temps, dans un univers où tout est en apesanteur. Le flow moderne du Californien nous ramène à la réalité durant les couplets. Et ainsi de suite.
La chanson est très structurée, presque géométrique, mais on reste incapable d’anticiper les refrains puissants.

Et puis arrive la fin du morceau, le retour au calme. Un calme progressif, peu à peu reposant. Un peu comme un kebab après une cuite quoi.

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Il est temps de conclure

G-Eazy, c’est l’histoire d’un garçon au parcours salué, producteur de formation, devenu artiste à l’univers prononcé. C’est un flow reconnaissable qui récite des textes transpirants de sincérité sur des compositions modernes.

Difficile de résumer un artiste que l’on apprécie. Nous pouvons tout de même de lui trouver quelques défauts. Il faut avouer que cet album sophomore est un peu trop « dark ». Ça manque un peu de good vibes tout ça, mais on adhère complètement à la démarche artistique.

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© Pemberton Music Festival

Bref, pour conclure sur la situation que je vous ai décrite au début de cet article, j’espère vraiment que nos chères radios vont arrêter de nous massacrer des chefs d’oeuvres avec des remix marketing ratées, et de nous repasser le morceau 14 fois par jour. Parce que ça fait 98 fois par semaine quand même.

C’est bien plus qu’un artiste que nous avons découvert aujourd’hui, c’est un véritable univers. Nous avons essayé de vous fournir également un avis constructif, mais rien ne remplacera votre propre sentiment.
C’est sur ces mots que cet article se termine et que je vous encourage vivement à aller découvrir les autres compositions de G-Eazy !

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© Pemberton Music Festival // Ça vous dit quelque chose ?

N’oubliez pas, si vous voulez consulter nos autres articles, c’est par ici !

10 commentaires

  1. Article très plaisant à lire qui m’a fait découvrir un artiste que je ne connaissais que de nom, grâce (ou à cause) du supplice qu’inflige un autoradio sans adaptateur. Petite touche de culture rap US qui fait du bien :).
    Merci l’équipe!

    1. Salut Thibault,
      Merci pour ton retour ! Hans s’est donné du mal et je trouve aussi son article très réussi.
      On est d’accord sur le supplice de la radio, mais c’est la règle du jeu…

  2. Je tiens mes promesses, je suis venue faire un tour.
    Super article qui mêle musique, private life et humour (ou ce qui s’en approche :p)
    Les gars vous avez gagné de la super promo à Paris façon Jeunesse (je me lance aussi dans l’humour :p)

    1. Salut Maïssa ! C’est sympa d’être passée !
      Et niveau humour, on fait avec le peu de talent que l’on a bien voulu nous donner, mais la facilité reprend souvent le dessus 😉

  3. Très intéressant comme article ! Je savais qu’il n’en était pas à son premier coup d’essai, même si je ne l’ai connu que cette année comme beaucoup.
    Pour du rap US, l’album est sympa à écouter, pourtant ce n’est habituellement pas ma came. Perso, je dirais qu’il est « lumineux » dans le sens où il a un côté assez « pop mainstream », via les featurings qui le composent en partie. Mais après réflexion, c’est vrai qu’il est sombre. Mais ça ne me dérange pas, personnellement. Et on sent que c’est un artiste à voir sur scène !

    1. Salut Fabien !
      C’est vrai qu’il y a beaucoup d’invités dans cet album, mais tu remarqueras qu’il y a un équilibre entre artistes montants de la scène hip-hop et grands noms. Je pense à Kehlani ou IAMNOBODI d’un côté, et E-40 ou Big Sean de l’autre, ce qui évite de le rendre trop « mainstream » à mon humble avis !
      Par contre, je suis totalement d’accord avec toi, ça doit être vraiment cool de le voir sur scène. 🙂

  4. Merci pour cet article, malheureusement je suis d’accord concernant l’overdose liée aux radios qui nous violent les oreilles …
    J’aime bien aussi
    « I mean it » (ma favorite), « calm down », « lotta that », « drifting », « you got me »

    Pour moi cet artiste va aller loin, il est dark, sincère, a un bon flow, parait « sympa » et showman. Son apparence est aussi soignée que ses instrus.
    Il ajoute quelque chose de nouveau qui rafraîchit le rap us, là où les « young thug » et divers autres vont jusqu’à copier lil wayne du style aux mimiques en passant par les piercings….G-eazy fait du bien aux oreilles!

    1. Mais avec plaisir Max, merci d’avoir tout lu !

      I agree, « I mean it » fait très plaisir, et j’aime bien aussi le dynamisme de « Drifting ». Je t’avoue que j’attends sa prochaine création avec impatience, même si pour moi le danger de l’album sophomore est passé. Espérons qu’il continue comme ça, oui !

      Hans

  5. Très bon article, mais dommage de ne pas avoir parlé de son 1er album Must Be Nice que j’apprécie aussi !
    Ça doit faire 3 ans que je l’ai découvert, et c’est sûr que les radios françaises sont bien en retard, et que la plupart des gens ne connaissent que Me, Myself and I de lui car comme indiqué, c’est la seule qui passe en boucle à la radio..

    C’est sûr qu’il a un style bien à lui, il faut aimer mais comme dis dans un autre commentaire, il se démarque des autres rappeurs US !

    Pressé de découvrir son prochain album aussi, vu qu’il n’a malheureusement pas pu sortir sa mixtape « The Endless Summer 2 », reprises des vieilles musiques qui avaient l’air bien stylées à en croire les extraits qu’on a pu entendre dans ses vidéos récap de sa tournée de cet été, vidéos que j’invite à aller voir pour ceux qui l’apprécie !
    Et pour l’avoir vu en concert cet été, j’ai adoré, l’énergie qu’il transmet est folle !

    1. Salut Jonathan, merci d’être passé !

      Je suis d’accord, j’aurai également pu parler de These Things Happen, mais il y avait tellement à dire sur When It’s Dark Out que ça aurait été trop long… Je ferai peut être une seconde partie un de ces jours ! 😉

      Par contre, t’as vraiment du bol de l’avoir vu en concert, mon commentaire transpire la jalousie !

      À la prochaine ! 🙂

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