Carhartt & Carhartt WIP, mère et fille à l’épreuve du temps

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Carhartt, c’est un peu plus qu’une marque coup de coeur. C’est une référence, un cachet qui a traversé les siècles, les guerres, les crises et les révolutions industrielles.
4 générations se sont écoulées depuis sa création, mais l’entreprise semble toujours plus jeune. Au savoir-faire industriel s’est ajouté la street culture pour faire de Carhartt une marque intemporelle.
Mais entre Carhartt et Carhartt WIP, quelles sont les différences ? Quelle est la place de cette marque dans notre culture ? Quels sont les produits qui ont forgé sa réputation ?

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© Tirée du The Carhartt WIP Archives – via Dazed

Carhartt, à l’origine

Un entrepreneur plutôt malin

Honest value for an honest dollar

Tel est le motto de Carhartt. C’était une époque où l’argent n’avait pas la même valeur qu’aujourd’hui. Chaque dollar honnête se gagnait en frappant le métal, et se récupérait les mains pleines de cambouis. Autant considérer que part « honest value », son fondateur Hamilton Carhartt promettait une sacrée qualité. Parole d’entrepreneur.

Il se raconte qu’en 1884, année de création de la société, Carhartt était un distributeur de mobilier. Ça ne devait pas marcher fort fort, et sur les conseils d’un pote ingénieur en chemins de fer, Hamilton décide de se différencier en se spécialisant dans la confection d’un vêtement spécifique aux ouvriers des voies ferrées.
On se trouve en 1889, à Detroit, en pleine révolution industrielle. Pas le pire endroit pour commercialiser un vêtement de travail pratique, et résistant aux contraintes manufacturières.

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© via Le Catalog

La guerre et la crise, c’est pas bien

Pas de mauvaise surprise, le succès est bel et bien au rendez-vous. Une bonne dizaine d’années suffit pour que les quelques machines à coudre soient remplacées par une vingtaine d’usines à travers les États-Unis et le Canada.

Les temps moins heureux qui touchent l’Occident ne freinent pas l’ascension de Carhartt, qui joue un rôle pro-actif dans les grands conflits du siècle dernier.
La marque met à disposition 7 de ses manufactures pour confectionner les uniformes de l’armée Américaine durant la première guerre mondiale. C’est ce même logo qui frappe les salopettes des travailleurs et travailleuses ravitaillant le front durant la seconde grande guerre.

Les années 30 furent éprouvantes pour Hamilton, la Grande Dépression l’oblige à fermer de nombreuses usines et à se recentrer sur son coeur de métier.
Le ralentissement économique n’amène pas pour autant la marque à remettre en cause ses valeurs d’origine. La qualité, les conditions de travail décentes et l’engagement syndical contrastent avec l’industrie de l’époque. L’étiquette « crafted with pride in USA » et la mention « Union Made » s’affichent encore sur les produits.

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© via Le Catalog

Lorsque la clientèle devient un problème

Après le décès de son fondateur en 1937, l’entreprise familiale voit se succéder les générations à sa tête. Carhartt reste encore aujourd’hui la marque privilégiée du travailleur Américain.
On est un peu dans le cliché de l’ouvrier de l’Amérique profonde, le worker oublié du Kentucky qui prend son pick up pour aller assister au rodéo du week end. C’est aussi un peu l’électorat de Trump, celui qui vote de la merde, certes, mais avec style.

La marque redonne une forme de prestige à ces métiers manuels.

Consciente de sa clientèle, Carhartt s’investit dans la fédération agricole et dans les organisations ouvrières du pays. Mais la marque comprend aussi que ce positionnement est trop spécifique au marché américain, et ne lui permettra pas de conquérir l’Europe.
Initié en 1994, le projet Carhartt WIP est la réponse au problème.

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C’est partiiiiiiiiii
© Tirée du The Carhartt WIP Archives – via Dazed

Carhartt Work In Progress, l’héritage

Il faut bien comprendre que Carhartt et Carhartt WIP (pour Work In Progress, pour ceux qui étaient paumés) sont deux entités bien distinctes. Au départ, Work In Progress est simplement une marque britannique à laquelle Carhartt a cédé une licence d’exploitation à durée limitée.
L’objectif était de s’inspirer de l’héritage industriel de l’Américain et de l’adapter aux normes Européennes. Autrement dit, on réduit les tailles, on change les couleurs, et on cintre un peu le tout.

En reprenant simplement la stratégie de Ford, Carhartt a fait bien plus qu’adapter son savoir faire à une nouvelle culture. Le design se modernise mais la qualité reste, et la rue s’approprie la marque.
Dès 1997, Carhart WIP devient l’étendard du hip hop et des cultures alternatives.

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© Tirée du The Carhartt WIP Archives – via Dazed

Une influence culturelle forte

I’ve always said the Carhartt didn’t choose the culture, the culture chose us

Cette phrase peut paraitre très prétentieuse au premier abord. C’est Michel Lebugle qui l’a prononcée, et ce monsieur est l’un des éditeurs du livre The Carhartt WIP Archives. Une sorte de recueil de photos inédites qui retrace l’histoire de la marque, mais qui permet également de mesurer son influence depuis sa création.
Qu’ils soient musiciens, skateurs, ou qu’ils fassent référence au 7e art, ils ont tous choisit de porter cette marque pour ce qu’elle représente.

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Le fameux bouquin

Avant même de s’associer à Work In Progress, Carhartt comptait déjà dans ses ambassadeurs des figures culturelles comme Eazy E ou le Wu-Tang. Mais c’est réellement lorsqu’elle traverse l’Atlantique que la marque s’impose comme une référence implicite, renforcée par la pop culture européenne, et même asiatique.

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Oh tiens, Eazy E, je t’avais pas vu
© Tirée du The Carhartt WIP Archives – via Dazed

L’étincelle du 7e art

À ma grande surprise, c’est le cinéma qui a poussé Carhartt WIP dans les rues, notamment en France. Et la marque peut remercier Mathieu Kassovitz pour avoir déposé sur la tête d’un dénommé Hubert un simple bonnet cousu d’un logo carré devenu emblème.
Le film La Haine, sorti en 1995, peut être considéré comme la genèse de l’influence culturelle de Carhartt WIP, et aucune stratégie marketing ne se cache derrière ce coup de maitre.

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Coucou Hubert !
© via Dazed

C’était les premiers pas de l’entreprise, le fameux beanie était la hype de l’époque. Et si ce produit est devenu iconique, c’est tout simplement parce qu’il symbolisait la jeunesse parisienne, la vraie, celle des rues, qu’aucune affiche publicitaire n’aurait pu représenter.
Carhartt WIP avait plongé dans la street culture, elle s’est intelligemment laissée porter par le courant.

La musique est du bois sec

Carhartt a eu un label, de 1999 a 2008. Il s’appelait Combination Records, mais ne correspondait visiblement pas à la vision qu’avait la marque de la musique. Afin d’obtenir plus de liberté, Carhartt WIP a fait le choix de créer Carhartt Music, une sorte de service intégré à l’entreprise qui a pour objectif de soutenir des projets locaux et spontanés.
Concrètement, ça se traduit par des soutiens financiers sur les tournées des artistes, ou la promotion de jeunes talents.

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© Crack Magazine

C’est un peu ce qu’il s’est passé avec Aloe Blacc. En manque de fonds pour payer les billets d’avions pour poursuivre sa tournée en Europe, son label fait appel à Carhartt WIP. C’était en 2010, et cette tournée nous a permis de découvrir le fameux I Need A Dollar.
Nous connaissons le succès d’Aloe Blacc par la suite, et on se doute bien que Carhartt est ressorti (largement) gagnante de cet investissement.

You know what I mean

C’est le même principe que suit la marque en 2017 lorsqu’elle soutient la tournée européenne de Danny Brown, le rappeur de Detroit.
Tiens Detroit ? Lieu de naissance de Carhartt, la Motor City renait de ses cendres ces dernières années. Un retour sur ses terres d’origine propice pour présenter récemment une collaboration avec la légende de la ville, Eminem. Le rappeur ajoute ainsi son nom à la prestigieuse liste de partenariat de la marque.
Il semble que chez Carhartt, mode et musique se confondent pour former un ADN imprégné de street culture.

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Le cachet de la collaboration.

Des collaborations restées en mémoire

Au delà de la musique, Carhartt WIP développe sa notoriété et son influence culturelle à travers des collaborations fortes, et pour la plupart du temps réussies.
La plus iconique est celle réalisée avec la marque parisienne A.P.C. Une véritable relation s’est construite au fil des ans, grâce à ce partenariat né en 2010 et qui aura duré 4 années. Un logo commun a même été créé entre les deux entreprises.

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Le cachet de Carhartt remplace le C habituel.

Chaque fin d’été, les deux marques proposaient une collection capsule automne/hiver. Présentée comme « post-apocalyptic-Franco-Anglican-urban-steez-wear » par GQ, la collaboration s’est construite sur des basiques urbains pour la mi-saison.
Des lignes épurées et des couleurs neutres caractérisent les chinos, vestes ou encore chemises qui composaient les collections, avec toujours le même succès.

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Un petit aperçu.

De nombreuses autres collaborations ont permis à Carhartt WIP de s’imposer comme une marque moderne, en perpétuelle remise en question. À titre d’exemple, le coup de crayon de Jun Takahashi, le designer de la marque japonaise Undercover, a permis d’ajouter une touche technique à une collection quasi monochromatique.

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Quasi monochromatique, je vous disais.

Vans, Burton ou encore Neighborhood sont à ajouter dans cette liste. Les collections réalisées avec Pelago, Patta, Isle et P.A.M sont encore disponibles sur le shop online de la marque.

Le succès des différentes collaborations de Carhartt WIP confirme l’idée que la marque représente plus que ses propres produits. Les partenaires d’une saison cherchent à coudre le fameux logo sur leurs manufactures respectives, comme pour contribuer de manière éphémère à cette culture populaire qui a fait de Carhartt son emblème.

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Ce genre de sweat que tu peux dégueulasser sans remords © Tirée du The Carhartt WIP Archives – via Dazed

Les pièces intemporelles

Que ce soit chez Carhartt ou Carhartt WIP, les produits sont à l’image de la marque : à l’épreuve du temps. Des pièces intemporelles donc, mais pas de la même manière.

Du côté européen, chez Work In Progress, un large choix de couleur complété par des coupes épurées permettent de créer des gammes qui touchent plusieurs générations. Du côté américain, cette longévité s’explique par le fait que le produit est tout simplement increvable.

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Increvable donc.
© via Pinterest

Chez Carhartt, côté américain

Bon, soyons réalistes, ce n’est pas franchement l’endroit où le petit citadin ira chercher son bonheur, qu’il soit parisien ou provincial. Les tailles sont larges, voire très larges, et le vêtement est bien plus fonctionnel qu’esthétique.
Les lecteurs aux tendances pyromanes trouveront cependant leur bonheur dans la catégorie « flame-resistant » du site internet.

Certains produits, comme la Bib Overall (la salopette) et le Chore Coat (en gros, le manteau) sont produits depuis plus d’un siècle, sans que le design n’eut été profondément modifié. Une valeur sûre, un produit indestructible, mais difficile à porter en dehors des chantiers. Certains sont néanmoins un peu plus portables, mais ça reste très workwear.

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© via Carhartt.com

Le Workwear T-shirt figure aussi comme un basique de la marque. Pour moins de 20$, vous avez la résistance et le confort, mais la coupe reste rigide et les manches trop longues. Ils font carrément une bonne trousse à outil des familles, ils sont vraiment dans le futur (cliquez-ici pour vous en délecter).

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C’est pour bosser putain !
© via Carhartt.com

Notre avis : idéal pour les week end bricolage ou rodéo, pour les adhérents du parti Chasse, Pêche et Tradition, et les destructeurs à la recherche d’une tenue indestructible.

Chez Carhartt WIP, côté européen

Moins fonctionnelle et plus orienté streetwear que Carhartt, Carhartt WIP ne perd pas pour autant de sa robustesse. Malgré les critiques concernant une potentielle baisse de qualité ces dernières années, les différents produits restent d’une qualité tout à fait acceptable pour le prix.

Le Michigan Chore Coat est le digne héritier du Chore Coat présenté plus haut. Une coupe large, une production 100% coton et une couleur tabac-marron ont fait de cette veste une valeur sûre pour le travailleur moderne. Un beau produit, pour un budget de 130€.
La Penn Jacket est une veste simple, qui existe dans une version camo très réussie. Le produit est actuellement soldé à 90€ sur le site internet, un achat dont je suis très satisfait.

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Les denims proposés par la marque sont d’un bon rapport qualité-prix. On se situe dans de l’entrée de gamme, mais le jean possède quelques caractéristiques synonymes de qualité, comme les renforts aux coutures au niveau des poches.
Le Rebel Pant est un jean taille basse qui convient bien aux riders actifs ou à la retraite, mais qui justement ne doit pas se porter trop bas pour éviter l’effet « j’me suis chié dessus ».

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© via carhartt-wip.com

Enfin, l’une des réelles valeurs sûres de Carhartt WIP se trouve dans les chinos. En plus de se décliner en un large choix de couleurs, la coupe droite et le confort du Sid Pant en font un produit quasiment indispensable.
Comptez tout de même 90€ pour se l’offrir, qui s’amortissent sur plusieurs années tant le produit est de qualité.

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© via carhartt-wip.com

Notre avis : Un style intemporel et épuré, avec quelques valeurs sûres. Un excellent rapport qualité-prix lorsqu’on est étudiant, et quelques bonnes affaires sont à trouver pendant les soldes. Perso, je fonce.

À la fin, qu’est ce qu’on retient ?

Carhartt est une marque surprenante. Peu d’entreprises ont survécu aux tumultes du 20e siècle, celle-ci a même réussi à s’adapter aux nécessités de chaque époque. Une société robuste, encore dirigée par la famille de son fondateur jusqu’en 2013.

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Parce que la famille, c’est important.
© via Unrated

Carhartt Work In Progress est la digne héritière de cette marque emblématique. Elle a su fédérer autour d’elle une génération entière, et créer une communauté jeune et authentique.
Aux antipodes du marketing théorique, le cachet WIP s’est propagé à travers l’Europe et l’Asie grâce à la street culture, et s’affirme aujourd’hui comme un acteur engagé dans les initiatives alternatives.

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DJ Cut Killeeeeeeeeeer !
© Tirée du The Carhartt WIP Archives – via Dazed

Les différentes collections offrent un contraste surprenant, entre la robustesse industrielle des produits emblématiques de Carhartt, et la modernité des capsules de Carhartt WIP.
Des collaborations travaillées, des lignes épurées et un rapport qualité-prix supérieur à la moyenne font de cette marque un classique de tout vestiaire masculin.

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© Tirée du The Carhartt WIP Archives – via Dazed

Notre photo de couverture est tirée du site Le Catalog ! Vous pouvez nous suivre sur Facebook et Instagram, histoire de nous encourager kwa.

5 commentaires

  1. Ouais, c’est bien de se moquer de Trump et de ceux qui votent Chasse, Nature… dans un article au sujet de fringues. J’aime bien, c’est bien placeé et courageux; lâchez rien les gars! No pasaran et tout.

    1. Eh bien, ma foi, je suis d’accord avec toi.
      Ces blagues ne sont pas particulièrement drôles.
      Mais je ne comprends pas bien ton pseudo. Tu te considères comme un gros blaireau ?

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