Le jour où… Lil Wayne a disparu de la scène artistique

Ce nouvel article de culture musicale a un léger arrière-goût de cendres. Les poussières d’un artiste qui a marqué mon adolescence, un phoenix qui se fait attendre pour renaitre.
Rappeur surdoué aux airs de branleur invétéré, il a déjà sa place au Hall Of Fame du hip-hop. Mais celui qui est aussi un producteur émérite est en train de gâcher une carrière courte mais intense en empruntant l’escalator de la facilité.
Bon sang, mais qu’est ce que tu fous Lil Wayne ?

Il était une fois, le petit Dwayne

Le début de la fin

Le 03 septembre 2016, Lil Wayne annonçait la fin de sa carrière sur Tweeter. Une série de trois simples tweets pour illustrer la fatigue mentale qui a poussé le rappeur à se retirer. Ces courts messages confirment au passage les différentes rumeurs qui circulaient à son égard : c’est actuellement la merde dans la vie de Dwayne Michael Carter Jr.

Trahison, disgrâce ! Certes affaibli par ses multiples addictions et les différentes crises d’épilepsie qu’il a subit, il avait cependant promis à plusieurs reprises un dernier album avant de se retirer.
Quelques mois plus tard, il certifie à ses fans lors d’un concert qu’il va tenir cette promesse. Un répit à durée indéterminée qui retarde la retraite de l’artiste originaire de Hollygrove, un quartier pauvre de la Nouvelle-Orleans.

 

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© fuse

Le début du début

Le rap et Lil Wayne, c’est une histoire qui a commencé très tôt. À l’âge où l’on apprend nos premières insultes, lui se rendait aux battles pour ridiculiser des apprentis rappeurs qui avait deux fois son âge.
Il attire ainsi l’attention de Birdman, qui le fait signer sur son label, Cash Money Records. Un tour de force réussi durant l’été 1991, à seulement 9 ans, et un premier album dès l’âge de 11 ans co-signé avec son pote Lil Doogie, sous le nom The B.G’z.
Une ressemblance pas très subtile avec les Bee Gees, les vrais, qui imposent un changement de nom au duo. Quelques années plus tard, en 1997, se créé le groupe The Hot Boys, pour former le boys band du gangsta rap et amener le rappeur à ses premiers succès.

Deux ans plus tard, Lil Wayne lance sa carrière en solitaire. Il obtient la permission de sa maman pour sortir Tha Block Is Hot, sur la promesse qu’aucun gros mot ne sera prononcé par son fils dans l’album. Un engagement respecté, à l’exception du morceau Fuck Tha World, où Little Dwayne exprime ses désirs d’indépendance et marque la fin de l’innocente adolescence. Entre nous, avec un titre pareil, c’était quand même mal parti.
1999 marque donc la genèse d’une carrière prometteuse, et le début d’un paquet de grossièretés.

Et la petite vidéo – montage bien kitch qui va bien

Il était une fois, un artiste à l’ascension fulgurante

La genèse de The Carter

La progression de Lil Wayne se fait au rythme des sorties d’albums et autres mixtapes. 11 créations à ce jour et une toujours en attente en un peu moins de 20 ans de carrière, un ratio qui s’avère tout à fait correct.
Après 2 opus moins bien reçu par les critiques, Lights Out en 2000 et 500 Degreez en 2002, l’artiste décide de modifier sa manière de composer, et se lance dans un projet musical qui ne tardera pas à le dépasser.

Produit en 2004, l’album Tha Carter marque le début d’une quadrilogie inachevée, et démontre les réels progrès rédactionnels du jeune Dwayne. Devant cet incroyable succès, il s’empresse de sortir une année plus tard le deuxième chapitre, sobrement intitulé The Carter II. La recette fonctionne, les médias saluent unanimement l’enregistrement et l’oeuvre est une véritable réussite commerciale.

De rappeur à phénomène culturel

Nous sommes en 2005, Lil Wayne a prouvé sa valeur. Il est nommé à la tête du label qui l’a mis en lumière, et fonde Young Money Entertainment pour à son tour donner une chance à de jeunes talents. L’artiste passe ainsi derrière la table de mixage, et enrôle la casquette de producteur.

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Oh, mais qui voit-on derrière ? Drake ?
© Fuse.tv

C’est accompagné du troisième opus de la série d’album The Carter que l’artiste revient sur le devant de la scène en 2008. Un retour triomphal, puisque The Carter III dépasse le million d’exemplaires vendus en seulement… 1 petite semaine. Ne cherchez pas, personne n’avait réussi une telle prouesse.
Un succès qui permet au rappeur de changer littéralement de dimension, une célébrité à laquelle il ne s’est peut être jamais adapté. À cette époque, Lil Wayne n’est plus un simple gamin qui joue au hors-la-loi, il est devenu un véritable phénomène culturel.

Il faut bien reconnaitre que cet album est un distributeur de hits. Une production qui débute par 5 titres (3 Peat, Mr. Carter, A Milli, Got Money, et Comfortable) devenus des classiques du hip-hop Outre-Atlantique.
Ils démontrent le niveau d’une des créations les plus abouties de l’artiste, qui a parfaitement su se faire accompagner par des valeurs sûres de la scène américaine comme Jay Z ou T-Pain.

Et comment ne pas parler du tube planétaire Lollipop, ou encore de l’hommage musical rendu à la Nouvelle-Orleans, alors ravagée par l’ouragan Katrina. Il exprime dans Tie My Hands sa rancoeur envers Georges W. Bush, en parlant au nom de ses frères afro-américains orphelins de leur terre natale.
Un morceau dans lequel on reconnait à Lil Wayne une certaine dextérité pour parler de sujets plus sensibles que le popotin d’une danseuse qu’il a pécho.

Au passage, une pochette d’album très réussie !

Le papa du rap game

L’artiste est au sommet de sa carrière. Il n’a plus rien à démontrer, et laisse parler ses inspirations musicales plus librement.
Il produit en 2010 un album d’inspiration rock qui reçoit un accueil (très) mitigé, mais qui a le mérite de mettre en lumière sa nouvelle protégée et future icône du rap US, Nicki Minaj. C’est aussi l’occasion de signer une première collaboration avec Eminem, en train de préparer son retour.

Une année finalement très productive, puisqu’il sort dans la foulée un second album, nommé I Am Not A Human Being. Cette fois, c’est Drake qui est à l’honneur, lui qui profitera de cette exposition pour produire Thanks Me Later, et… et on connait la suite.
Young Money Entertainment connait alors ses heures de gloire, le label pouvant s’appuyer sur un CEO et deux têtes d’affiches particulièrement médiatisés.

L’année suivante est produit The Carter IV, aujourd’hui encore le dernier chapitre d’une série d’album d’une qualité artistique reconnue. Les morceaux jumeaux How To Love et How To Hate dévoilent un aspect plus calme et mature d’un rappeur qui accumule pourtant les frasques.

I Am Not A Human Being II sort en 2013, mais ce nouveau succès commercial ne parvient cette fois pas à masquer les errances d’un artiste cédant à ses vices.
Un album franchement bien réalisé, l’une des meilleures productions de Lil Wayne à mon sens, mais aussi le dernier enregistrement officiel d’un trentenaire possédé par un côté obscur chaque jour plus envahissant.

Il était une fois, un rappeur en déclin

J’ai le sentiment que le déclin de Lil Wayne a débuté en parallèle de sa célébrité grandissante. Toujours au bon endroit au bon moment, ou peut être plus simplement l’expression d’une flemmardise croissante, la carrière de l’artiste n’aurait pas été la même sans l’aide des multiples collaborations offertes par ses potes du rap game. Elle ne serait pas non plus en train de se terminer ainsi sans l’accumulation de toutes ses conneries.

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© rapelite.com

Des featuring, des featuring, des featuring, des featuring, des featuring, des featuring…

En fait, Lil Wayne, c’est en quelque sorte l’histoire du mec qui fait rien pendant le travail de groupe, mais qui prend la même note que toi à la fin.
C’est lui qui a popularisé les remix (ajout d’un couplet dans un titre déjà sorti) et les featuring (co-production d’un titre). Mais c’est aussi celui qui les a utilisé à outrance.

C’est quand même un petit malin ce Dwayne Carter Jr. En 2004, alors qu’il vient tout juste de sortir son album Tha Carter, l’artiste s’illustre aux côtés des Destiny’s Child et T.I sur le morceau Soldier.
Le hasard n’a rien à voir dans tout ça. Le succès du titre lui offre une exposition médiatique bienvenue, et une publicité à bas coût pour sa nouvelle production personnelle. Il peut aller faire un bisou à Queen B le coquin.

… Encore des featuring, des featuring, des featuring, des featuring, (…) des featuring…

On se rappelle tous de ce morceau. On l’a tellement entendu que son refrain s’est transformé en migraine. Le clip fait un peu kitch aujourd’hui, le coup du sol qui s’illumine à la Michael Jackson, les chorégraphies millimétrées et les éclairs de lumières qui jaillissent des manches de Jay Sean, c’est pas fou-fou lorsqu’on y réfléchit. Mais je dois avouer que j’adorais ce titre, et c’était aussi un énorme (énooooooooorme) succès commercial.
Mais au fond, l’apport artistique de Lil Wayne y est franchement limité : un couplet de 28 secondes, et un texte qui n’a pas dû lui prendre plus de 10min à écrire.

Like she supposed to be
She gets down low for me
Down like her temperature cause to me she zero degree
She cold, over-freeze
I got that girl from overseas
Now she my Miss America
Now can I be her soldier please
I’m fighting for this girl
On the battlefield of love
Don’t it look like baby cupid sending arrows from above
Don’t you ever leave the side of me
Indefinitely not probably
And honestly I’m down like the economy

Une collaboration qui tombe en 2009, juste avant cette fameuse année si productive pour l’artiste de la Louisiane, durant laquelle il allait sortir 2 albums. C’est une véritable pré-promotion que Lil Wayne avait organisé, puisque Down faisait parti d’une liste de 21 featuring réalisés avec divers artistes. En somme, il nous a refait le coup de 2004 en version XXL, et cette fois, c’est à Jay Sean qu’il peut aller faire un groooooos poutou.
On retiendra tout de même dans cette liste Forever, célèbre pour un live ultra-dominé par un Eminem en pleine renaissance.

On pourrait continuer à examiner les sorties de chaque année. On arrivera cependant toujours à la même observation : les sorties d’albums de Lil Wayne sont précédées d’une vague de featuring, à vocation purement promotionnelle et où le degré artistique et souvent laissé de côté.

Mention spéciale à l’année 2011, durant laquelle le rappeur a participé à pas moins de 30 collaborations, en parallèle de la sortie de The Carter IV. Quelques bons morceaux comme Look AT Me Now et I’m On One embellissent un tableau un peu moisi par Jennifer Lopez et surtout David Guetta. Bref, une abondance de collaboration mainstream qui a petit à petit fragilisé la position artistique de Lil Wayne.

Là, on a vraiment touché le fond (le fond du fond)

… mais (malheureusement) pas que

Une légitimité en berne qui affecte aussi sa carrière de producteur. Depuis l’éclosion de Nicki Minaj et de Drake, je n’ai pas souvenir d’un talent couvé par le rappeur de la Nouvelle-Orleans, si ce n’est sa participation à l’éclosion de Kevin Gates.

Au delà d’une remise en question musicale, l’artiste paie aussi ses erreurs des premières années. Il faut dire qu’entrer sur la scène hip-hop américaine lorsqu’on n’a pas encore les premiers spots de l’âge prépubère ne facilite pas forcément un épanouissement sain et équilibré. Les problèmes de santé contre lesquels il se débat aujourd’hui sont certainement dus aux excès passés.

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« Moi des excès ? Naaaaaaaaaaaaaaaaaaan »
© XXL Mag

Finalement, sa célébrité est le fruit d’une ascension médiatique qu’il n’a jamais vraiment su gérer. Toujours coincé entre le jeune gars de Hollygrove et le prétendant au trône du rap game, l’artiste a bien du mal à trouver sa place.
La drogue, évidemment, mais aussi le port d’arme ont été les motifs de bon nombre de ses arrestations. Il écope même d’une année de prison en 2010, à la suite d’un concert pourtant épique.

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La photo vient du Yuma County Sheriff’s Office, ça sent pas bon…

Et puis il y aussi cette dernière sortie médiatique. Amené à se prononcer sur le mouvement Black Lives Matter durant un interview, il déclare de manière franchement spontanée qu’il ne se sent en aucun cas concerné, et que ça ne lui chatouille pas les noix de coco. En gros, il s’en fout, et il le dit de manière assez explicite.
Une déclaration assez surréaliste, vidéo à l’appui, qui fera la parfaite conclusion d’une partie dédiée au déclin d’une personnalité hors-la-loi.

I am a young black rich motherfucker (…) I don’t know what it is

Un comportement qui ne pas l’aider à revenir au sommet.

Il était une fin

Il était légitime de penser que ce déclin amorcé depuis plusieurs années atteignait son paroxysme ce fameux 03 septembre 2016. Je préfère le voir comme l’espoir d’un renouveau chez l’artiste.
Les années et les grossièretés ont eu un effet quelque peu auto-destructeur. Il est temps pour ce trentenaire de connaitre un nouveau souffle, et de reprendre goût à l’art.

Pour cela, un retour aux fondamentaux s’impose. Pour recouvrer sa légitimité, Lil Wayne doit reprendre la plume et se concentrer sur l’essentiel : la musique.
Loin des collaborations mainstream, il doit réapprendre à s’entourer d’artistes qui lui seront complémentaires, et travailler ses textes. En somme, il doit produire The Carter V.

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Allez zou, à l’enregistrement, et plus vite que ça !
© WireImage

Ces dernières années, le rythme des collaborations s’est nettement réduit. En plus de ne pas avoir la quantité, la qualité n’était pas non plus au rendez-vous.
Il est cependant intéressant de souligner que, à la moitié de l’année 2017, Lil Wayne a co-signé plus de morceaux que sur toute l’année 2016. Et parmi eux, le pas désagréable No Frauds, et le très agréable I’m The One, en compagnie de l’increvable DJ Khaled, du relou Justin Bieber, du curieux Quavo et du génie Chance The Rapper.
Après tout ce dont on a discuté, vous ne trouvez pas que ça sent la promotion d’un nouvel album ?

La photo à la une est une photo tiré de © HotNewHipHop. Vous pouvez nous rejoindre sur Facebook et Instagram, histoire de nous encourager kwa.

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